Note de l’admin: Cet article a été particulièrement difficile à écrire car il a fallu se concentrer ou « tunnéliser » sur un maximum de biais cognitifs qui tendent  à servir l’illusion d’une efficacité thérapeutique. En faisant cela on devient particulièrement sceptique vis à vis de sa propre approche ostéopathique; à tel point que l’ombre du charlatanisme semble nous suivre de très près.

Mais ceci est une fausse réalité. Une réalité qui ne tunnélise que les biais cognitifs qui dévalorisent l’efficacité réelle de l’ostéopathie.

Passer par ce tunnel pourrait ressembler à une sorte de rite initiatique vers une plus grande objectivité thérapeutique.

L’ostéopathie est une thérapie subjective. Bien quelle puisse parfois utiliser des examens complémentaires « objectifs » pour baser son diagnostic « médical », le diagnostic ostéopathique quant à lui repose sur l’interprétation sensorielle subjective du thérapeute et le traitement est son expression sensorielle subjective.

Mais,

Nos biais cognitifs sont à l’œuvre afin de pervertir cette interprétation de la réalité. Nous créons alors notre ‘matrix’ ou si vous le préférez, nous élaborons notre propre représentation imaginaire de la réalité. Cette réalité qui nous montre raison, cette réalité qui montre notre ostéopathie particulièrement efficace.

Mais notre réalité est-elle réelle ?

Les Biais Cognitifs du Thérapeute

Une difficile remise en question

« Pourquoi remettre en cause ma réalité puisque j’y trouve un sens ? »

Cette question est en soi l’un des plus gros biais cognitif de l’humain : La difficulté de douter de l’une de ses croyances afin de se remettre en cause, admettre s’être trompé. Car une croyance est un des piliers de notre raisonnement. Remuez le pilier et l’édifice se met à trembler…

Imaginez 2 secondes le fait de reconnaître que vous racontiez des inepties sur un de vos domaines de prédilection. La honte serait tellement embarrassante que vous ne rêveriez que d’une chose s’est de devenir transparent, de ne pas exister… Une émotion que l’on voudrait éviter..?

Vieillir ne rend pas non plus cette tâche plus facile car nous perdons en flexibilité neuronale. Créer de nouveaux réseaux neuronaux, c’est à dire ‘penser autrement’ devient plus difficile.

Afin d’éviter d’être confronté à nous remettre en question nous allons naturellement chercher à avoir raison avant d’éventuellement envisager le fait que l’on puisse avoir tort. L’effet de tunnélisation va nous aider dans cette tâche en tenant compte de ce qui valide notre schéma de pensée mais en ignorant ce qui l’invalide.

Il est bien plus facile de tordre la réalité en ayant recours à du ‘cherry picking‘ par exemple et en oblitérant les informations discordantes qui nous prouvent tort. C’est là qu’interviennent nos biais cognitifs, car ayant une mauvaise interprétation de nos stimulations cela permet de les interpréter de la manière qu’il nous plaît. Ces biais vont participer à notre tunnélisation.

Nous ne saurions être capable de tous les traiter notamment parce que l’auteur ne souhaiterait pas identifier ceux dont il en est particulièrement victime…

 

The Monkey business illusion et …

Commençons par une petite vidéo amusante :

Le but est de compter le nombre de passes que se font les personnages qui ont un tee-shirt blanc.

Cette vidéo nous montre à quel point nous pouvons ignorer les informations sur lesquelles nous n’allons pas fixer notre attention. Cela suggère que si nous ne cherchons pas à savoir où se cachent nos erreurs de jugement il est peu probable qu’on les déniche…

… l’effet de tunnélisation

Ce biais cognitif est similaire à ce que les pilotes d’avion appellent la « tunnélisation« , pour un pilote de ligne ce phénomène peut s’avérer être dramatique. Car si une alarme retentit le risque est de voir le pilote ne faire attention plus qu’à résoudre ce problème. Il oublie alors de sécuriser le vol en contrôlant les données basiques et vitales. La catastrophe guette…

Chez l’ostéopathe cet effet de tunnélisation peut le pousser à avoir une approche trop symptômatique, ou à croire que le problème du patient relève de ses compétences alors qu’une pathologie latente est présente ou à douter de ses compétences ou à le maintenir dans l’illusion d’être bon thérapeute. Danger…

 

La tunnélisation par les questions guidées : « Vous voulez dire… »


Exemple:

Lorsqu’un patient revient et qu’il n’est pas sûr si il va mieux depuis le dernier traitement. Le thérapeute va souvent utiliser une technique de « leading questions » afin d’éviter de remettre en cause l’efficacité de son traitement.

_Patient: « J’ai toujours mal depuis le dernier traitement » (patient moyennement/peu convaincu par l’efficacité du traitement)

_Thérapeute : « Vous voulez dire qu’il n’y a eu aucun changement ? » (le thérapeute montre qu’il doute de l’affirmation du patient. Le vrai sens de cette phrase est: « vous m’expliquez que je suis inefficace ? ». Si le patient répond par la négative alors la situation entre Pt et Th deviendrait dérangeante car il sous-entendrait que le thérapeute n’a rien fait/est incompétent), sympa la perspective de la suite du traitement…

_Pt: « Ben euh … c’est à dire que … «  Le patient ressent le malaise à venir il lui faut une porte de sortie, le thérapeute en profite pour lui couper la parole

_Th:  » Vous voulez dire que ça a été mieux pendant quelques jours et ensuite c’est revenu ? » Le thérapeute inconsciemment « lead » la réponse, il offre une porte de sortie au patient.

_Pt: « Oui voilà c’est ça.  Mieux pendant 3-4 jours et ensuite c’est revenu. » Le patient vient d’éviter un rapport conflictuel désagréable avec le thérapeute en acceptant une « vérité » qui n’est pas véritablement la sienne. Le thérapeute lui a entendu ce qu’il voulait entendre.

_Th: » Et vous avez fait une activité particulière les 2 jours précédents ? » Cette question essaie de rejeter la faute de l’absence d’amélioration sur une activité tierce. N’importe quelle activité « extra-ordinaire » pourrait servir d’alibi: de faire le ménage à faire plus de 30minutes de voitures, ou rester assis au bureau de manière prolongée…

ou

_Th: « Vous avez fait les exercices (ou posture) que je vous avais recommandés bien sûr ? » Question piège, dans 90% des cas le patient admettra ne pas avoir mis son « ice pack » régulièrement le soir, ne pas avoir fait les étirements ou ne pas avoir trop trop fait attention à sa posture. Sur quoi l’ostéopathe enchaîne: « Ah mais si vous ne faites pas ce que je vous conseille de faire…Bon, passons… » On change de sujet, le thérapeute reste en contrôle.

Ces questions visent à se déculpabiliser d’un traitement peu efficace. Ce processus se fait souvent de manière inconsciente, le thérapeute ne pouvant pas s’admettre responsable du fait que le patient n’aille pas mieux: Il se déclarerait incompétent… Au final le thérapeute en retiendra un traitement efficace mais qui à cause du patient et/ou de ses activités n’a pas tenu.

Y aller au feeling une forme de tunnélisation

Dans toutes les thérapies il y a une dose de « feeling » .

Lorsqu’on décide d’y aller au feeling, on considère qu’on a plus besoin de se justifier. Qu’une part de nous même a pris les décisions de manière intuitive et que ces décisions sont les plus opportunes possibles. Ces décisions ne sont pas rationnelles (car prises au feeling) donc on ne peut pas reprocher une incohérence au traitement car cette dernière est légitime (on y est allé au feeling). Quelque soit l’issu du traitement (même négatif) le thérapeute n’aura même pas besoin de se remettre en cause car (comme il y est allé au feeling) il n’aurait pas pu prendre une meilleure décision.

Cela amène à la croyance en la synchronicité.

C’est un moyen très efficace pour soulager sa conscience et se voiler la face dans le cas d’une quelconque inefficacité… Au final le patient en général tendant vers « le mieux », cela validera l’utilité de cette approche.

Il est cependant intéressant de relever des expériences qui montrent à quel point ce feeling peut nous tromper. Nous pourrions parler du pendule et le fait que des milliers de personnes croient « au feeling » qu’ils ont un « fluide » alors que ce phénomène serait dû à un effet idéomoteur. cet effet idéomoteur se jouerait aussi de nombreux ostéopathes qui pensent ressentir une mobilité des os du crâne.

Corrélation Vs Causalité

_Th :  » Alors Mme M. comment vont ces petites vertèbres  lombaires? »

_Pt : « Et bien écoutez, depuis le dernier traitement je me sens mieux, même si ça a pris quelques jours ».

Ah qu’on l’aime ce moment ! On peut le nier et vouloir s’imaginer humble, mais ce genre de réponse nous fait plaisir et nous rappelle ce pourquoi nous faisons ce métier: pour soulager les gens. Et ce genre de réponse nous stimule à continuer à le faire.  Mais est-ce qu’une telle réponse veut dire que notre traitement a été efficace ? Malheureusement non.

C’est une flagrante confusion courante entre la notion de corrélation et de causalité.

Sauf erreur de la part de l’admin, il y aurait 2 types de corrélation :

-Si 2 évènements ont une raison commune

-Et si 2 évènements n’ont aucune cause commune, elles ne sont corrélées seulement que par le plus grand des hasards

Y a-t-il un lien entre des problèmes d’épaule et des vaccins passés dans le deltoïde ou l’infra-épineux ?

Y a-t-il un lien entre des douleurs lombaires et un stérilet par réflexe viscéro-somatique ?

Peut-être… Peut-être pas…

Exercice :

Rappelez-vous objectivement à présent les résultats de vos traitements et déduisez le nombre de fois ou l’amélioration du patient ne serait pas dû à votre efficacité thérapeutique mais plus au changement d’activité de votre patient, au temps qui efface l’inflammation aiguë, aux anti-inflammatoires qu’il a pris, a l’exercice qu’il a cessé…

Augmenter son champs thérapeutique rend difficile de savoir ce qui est efficace ou non

Admin: J’ai toujours été fasciné par les jeunes ostéopathes qui se mettent à étudier une approche complémentaire un an ou 2 ans à peine après leur diplôme. Il ne savent pas encore ce qui est efficace ou non en ostéopathie et veulent ajouter un énorme éventail de techniques à leur pratique… Ou peut-être suis-je particulièrement incompétent ?

Imaginez que sur les 20-30-40 techniques que vous utilisez en traitement, vous innoviez dans l’une d’elles. Vous introduisez une nouvelle technique ou approche. Votre patient va mieux. Vous allez vous dire « ce que j’ai fait la dernière fois à bien fonctionner » => « ma nouvelle technique est efficace ». Ce raisonnement qui semble fluide est en fait, vous commencez à le comprendre, truffé d’erreurs (corrélation vs causalité). Pour valider ce raisonnement vous devriez observer un gain net d’amélioration (+10-20%) que vous n’aviez pas sur vos 20 derniers traitements sur un même diagnostic (ostéo/ortho/neuro) et que ce gain se vérifie sur les 20 traitements/patients différents partageant la même symptômatique et le même schéma corporel…  Vous en conviendrez, pas très évident.

Les implications de cet amalgame deviennent en fait très dérangeantes. Dés lors que vous associez à votre ostéopathie une approche complémentaire (homéopathie, complément alimentaire, médecine chinoise…) vous augmentez exponentiellement le nombre de traitements que vous devez faire pour véritablement pouvoir évaluer une amélioration du résultat de votre approche combinée, pour savoir déterminer ce qui fonctionne de ce qui ne fonctionne pas, de ce qui associé crée des effets secondaires néfastes. Ça c’est si vous étudiez de manière statistique et précise le retour de vos patients. Maintenant vous pouvez vous basez sur votre feeling et tunnéliser que sur le positif, vous serez alors plus rapidement convaincu du bienfait de leur complémentarité…

La difficulté à évaluer les probabilités

Cette autre défaillance cognitive est responsable de nombreuses croyances, elle participe à cette confusion qu’il y a entre corrélation et causalité.

Un exemple flagrant de cette difficulté à évaluer les probabilités est le paradoxe des anniversaires.

Combien de personnes faut-il réunir dans une même pièce pour avoir 50% de chance que deux d’entre elles soient nées le même jour de l’année ?

La réponse est : 23 ce qui choque un peu l’intuition. À partir de 57 personnes cette probabilité grimpe à 99% !!! Lorsque ce genre d’évènement arrive nous nous émerveillons devant une telle coïncidence alors que ce serait un phénomène fréquent. Il serait plus logique de s’émerveiller que cela n’arrive pas !!!

Exemple en ostéopathie: Si le thérapeute sous-estime la probabilité d’un phénomène (sortir d’une douleur aigüe dans les 2-4 jours suivants) il surestimera la réelle efficacité de son traitement même si son approche est en réalité inefficace. Il se donnera l’illusion de son efficacité thérapeutique.

Le refus du Hasard et le besoin de trouver un lien logique quand il n’y en a pas

Il y a un exercice mentale où le rat surpasse l’humain. Et oui, mesurer autrement l’intelligence n’est pas forcément à notre avantage.

Voici l’expérience :

Le but de l’expérience est d’anticiper quelle ampoule va s’allumer, celle de droite ou celle de gauche. Bien que la lumière s’allume de manière aléatoire celle de gauche s’allume avec une probabilité de 75%.  On encourage le fait de deviner la bonne ampoule en donnant une récompense.

Le rat après quelques essais repère que celle de gauche s’allume plus fréquemment et tend rapidement à un rendement de 75% en choisissant tout le temps la lumière de gauche.

L’humain ne fait que 60%. Bien qu’il repère que celle de gauche s’allume plus fréquemment il ne pourrait se résoudre à ne choisir que la lumière de gauche il essaie de deviner un « pattern » en choisissant de temps en temps l’ampoule de droite. Son rendement pâtit de sa croyance.

L’humain est alors victime de son intelligence … Nous n’acceptons pas le hasard.

Et en ostéopathie qu’en est-il ? Y a-t-il vraiment un lien entre les différents symptômes du patient ? On peut après tout avoir un oeil de verre et une jambe de bois.

Le Hasard vs la synchronicité

« J’ai eu une prémonition… », « C’est marrant comme le monde est petit… », « Je pensais à toi il y a 5 minutes !!! »

Pour les personnes ayant une croyance religieuse ou spirituelle le hasard n’existe pas. On parle de synchronicité: Quelque chose ou quelqu’un fait que les choses arrivent pour une raison.

Pour d’autres c’est l’inverse: Les situations arrivent par l’œuvre du hasard et nous essayons d’y donner un sens pour mieux l’accepter  (quoi que).

 Bien que la probabilité qu’un évènement spécifique hasardeux « extra-ordinaire » arrive est très faible, la probabilité qu’un évènement hasardeux « extra-ordinaire » arrive est quant à elle très élevée. Il n’est alors pas étonnant que des situations incongrues arrivent. À vrai dire il serait illogique que cela n’arrive pas!

Exemple: C’est votre premier jour de boulot et vous crever sur la route et vous arrivez en retard. Vraiment pas de bol, crever un pneu c’est rare mais le fait que ça arrive ce jour là !!! Mais en y réfléchissant quelles autres situations inopportunes auraient bien pu arriver ?

Vous auriez pu glisser dans la douche et vous casser le nez, avaler de travers votre cornflakes, tomber dans l’escalier, vous faire mordre par le chien du voisin, trouver un ticket de loto gagnant sur le trottoir, être bloqué dans un embouteillage, vous faire déféquer dessus par un oiseau ou rencontrer votre premier amour qui travaille juste à côté de votre nouveau bureau…

Comme nous ne pouvons nous résoudre au hasard, devant un tel phénomène original nous serions tenté d’y voir l’œuvre du destin, ou d’une puissance supérieure. Cet évènement est arrivé pour une raison !?. Cette manière d’interpréter les évènement c’est la synchronicité. Cela permet à certaines gens de donner un sens à leur vie, de la rendre moins insignifiante car quelqu’un là-haut s’occupe d’elles.

Alors que nous ne sommes pas obligés de le voir ainsi. C’est la nature de l’homme de vouloir y donner un sens (expérience avec le rat).

La nature chaotique de notre vie doit rendre l’expert humble

Notre vie est tellement imprévisible qu’il est très difficile de savoir ce qui va à coup sûr vous être bon/utile, même pour un expert. Il aura certes une meilleur compréhension du phénomène sur du ‘court’ et ‘moyen terme’ mais sur du ‘long terme’ son point de vue ne vaut pas plus que celui d’un ignorant.

L’exemple flagrant (tiré de « quirkology ») est celui d’un trader, d’un astrologue et d’un enfant qui jouent en bourse sur 3 actions qu’ils choisissent. On évalua la croissance du titre sur un an. L’enfant choisit au hasard, l’astrologue suivant l’alignement des planètes et le trader grâce à sa connaissance approfondie des marchés. Au bout d’un an le trader avait été le moins rentable suivi de l’astrologue, et l’enfant avait fait mieux !!! La clé est le fait que ce soit un placement sur du long terme. La nature chaotique des choses influence sur le long terme. Un évènement insignifiant peut participer à une catastrophe majeur si vous lui en laisser le temps.

Exemple: _Pt: »Vous recommandez que je porte une ceinture lombaire? » _Th: »Oui, Non, Je ne sais pas… » En fait la réponse devrait être : « Je ne peux pas savoir, essayer avec ou sans et vous me le direz… »

Une certitude ‘pour’ ou ‘contre’ ne peut pas être affirmée. En fonction du type de diagnostic, de l’âge, de l’activité, de la ceinture, de l’évolution, et de l’individu cela peut varier. L’expert ne peut pas tout savoir notamment quand il y a une notion de ‘continuité temporelle’ dans la problématique.

Parce qu’un expert arrive à prendre en considération un maximum d’éléments dans son équation de ‘compréhension d’un phénomène’, que le moindre détail en dehors de son champ de compétence (par la nature chaotique des évènements) peut saboter tout un raisonnement et donner le résultat inverse.

Il devient alors difficile pour un autre expert moins compétent d’évaluer le niveau de compétence du premier car il n’a pas connaissance de la profondeur de son choix.

Exercice: Arrivez vous à hiérarchiser la compétence de 2 experts en un instrument de musique? en histoire de l’art ? en chimie ? en mathématiques?.. Et même dans votre domaine de prédilection arrivez-vous à savoir qui est plus compétent que vous ?

L’expertise dans un domaine tend à être formateur pour devenir expert dans un autre domaine. La raison pourrait être l’aboutissement de processus cérébraux très pointus par l’expertise première et qui sont ensuite réutilisés dans un autre domaine d’expertise. Gain de temps et d’efficacité.

Mais parfois on court à la catastrophe… Plusieurs nobels ou figure de haute autorité dans un domaine se sont ensuite prononcés dans des domaines de compétence légèrement différents, pour soutenir des points de vue pouvant parfois être en total contradiction avec la position officielle (controverse sur le SIDA, Linus Pauling et la vitamine C, les sceptiques du réchauffement climatique, 9/11 etc etc…). Il serait difficilement envisageable qu’ils soient tous dans le vrai. Puisse ceci être aussi un biais cognitif ? Notre propre compétence nous rend trop sûr de nous et par conséquent nous trompe à nous croire être également compétent dans un domaine différent ?

Sommes-nous plus compétents que ceux qui nous gouvernent ? Quelle question !..

Un médecin peut-il évaluer les compétences d’un ostéopathe ? Bien sûr que…

L’effet de la tunnélisation sur la spatio-temporalité des évènements

Petite histoire: Un jour un thérapeute (on ne dira pas que c’était un médecin adepte de la posturologie) me dit:

« j’ai vu récemment, un joueur de rugby avec une pubalgie. Je l’ai vu il y a 2 mois, il allait bien mais je l’ai mal diagnostiqué. J’ai découvert qu’il avait une mal-occlusion. Si je l’avais vu il y a 2 mois et traité pour cette mal-occlusion, il n’aurait pas eu sa pubalgie aujourd’hui… »

Avoir un BAC +10 pour être victime de ce genre de raisonnement fallacieux… Vous allez me dire que ce n’était pas dans le QCM de première année.

La difficulté de savoir ce qui est important de ce qu’il l’est moins

et la tunnélisation sur ce qui n’est pas important

Reprenons cette exemple précédent:

Pourrait-il y avoir d’autre raison à cette pubalgie, des raisons plus probables ?

  1. Un joueur de rugby en 2 mois fait 6 matchs (plaquage,mole,coup dans les roustons…)
  2. Une vingtaines d’entraînement. Les chocs sont assez violents pour qu’il y ait plaie,entorse, luxation, fracture.
  3. Les traumatismes de la vie courante. Un déménagement peut-être? le boulot? etc…

 

Sa pubalgie n’a t-elle pas plus de chance de venir d’un autre élément traumatique, que celle d’un mauvais alignement d’une mâchoire dont on évalue l’influence sur le reste du corps par un test de kinésiologie biaisé?

Si vous tunnélisez sur l’occluso-posturologie apparemment pas.

Le Cold Reading

Le cold reading est l’art du langage mediumnique. On pourrait argumenter que certaines personnes arrivent à parler à des esprits ou entités impalpables rentrant en résonance avec nos cellules grises par télépathies, ou que tout simplement le capacité de voir le passé est en fait une subtilité de déduction et de l’utilisation du langage, le tout enrobé par un peu de chance et d’un peu de biais cognitifs du point de vue du patient et du thérapeute.

En tout cas le Cold Reading existe et est souvent utilisé à notre insu. Les bilans astrologiques hebdomadaires en sont un parfait exemple.

L’effet du cold reading tend à faire croire le patient que son thérapeute a une capacité exceptionnelle/extrasensorielle proche du don mediumnique en réussissant des « divinations » ou communément appelés « hits« . Cela augmente l’effet de Halo chez le patient (voir partie sur biais cognitif du patient) et renforce le thérapeute dans sa conviction de son efficacité thérapeutique.

Voici quelques exemples de techniques de cold reading:

  1. Utilisation de questions négatives: La réponse est forcément en adéquation avec ce que sous-entendait le thérapeute. « Vous n’avez pas d’aigreurs ou de brûlures d’estomac ? » quelque soit la réponse, le thérapeute prendra soin de valider la réponse du patient. ex: _Pt: non j’en ai pas. _Th: c’est bien ce que je me disais, votre estomac est assez souple.
    ou
    _PT: « oui ça m’arrive assez fréquemment. » _Th: « c’est bien ce que je me disais vous avez une tension viscérale au niveau de la grande courbure stomachale… »
  2. L’utilisation du ‘jamais’ avec un balayage plus large: Reprenons l’exemple précédent, _Pt « Non je n’ai pas d’aigreur. » _Th: « Vous n’avez jamais de ballonnement, ou d’inconfort après avoir pris un repas ? » Le patient ne peut a priori pas répondre par la négative. Ce sont des symptômes extrêmement courants. C’est un « hit » pour le thérapeute.
  3. Mixe entre questions négatives et palpation positive: _Pt : « vous n’avez pas de maux de tête occasionnellement ? » _Th »non, pas vraiment. » La le thérapeute peut valider sa question en appuyant sur les points gâchettes de muscles sous-occipitaux particulièrement réactifs, le patient ressent alors une douleur irradiante sur toute la base du crâne. Le thérapeute répond alors: « c’est étrange vous avez pourtant de bonnes tensions sous-occipitales ». Le patient est impressionné par la faculté de l’ostéopathe à trouver les points douloureux.. C’est un « hit ».  L’ostéopathe lui s’est prouvé raison: le patient a bien un problème sous-occipital.
  4. L’expression de Barnum: C’est dire une vérité qui l’est dans 90% des cas mais la dire comme étant un état original et unique du patient. Ex: _Th: « Vous avez pas mal de stress vous en ce moment« . Quel patient n’est pas stressé ? Vous pouvez compléter en précisant le boulot ou la famille en corrélant le type de métier et le langage non-verbal que le patient y associait pendant son interrogatoire.
  5. Le passé élastique avec du Barnum: Le thérapeute met sa main sous le sacrum du patient et dit: « vous avez de grosses tensions intra-osseuse au niveau du sacrum/coccyx, vous n’avez pas fait de chute dernièrement sur le sacrum ? »_Pt: « récemment ? euh non il ne me semble pas. » _Th: « Rien ces dernières années ? ou peut-être que c’est une tension résiduelle qui est là depuis plus longtemps ». _Pt: « Ah oui il y a 12 ans j’avais descendu les escaliers sur le coccyx ». On passe de récemment à il y a 12 ans, de plus qui n’a jamais fait de chute sur le coccyx ? Le patient sera éventuellement impressionné par ce hit et le thérapeute

Il existe de nombreuses autres techniques de cold reading, ces techniques sont souvent utilisées inconsciemment par le thérapeute lui faisant croire que les affirmations qu’il dit sont très souvent vraies, il aura alors l’illusion de sa compétence ostéopathique et médiumnique: Il a le DON comme disent certains patients. De même cela aura tendance à créer un effet de Halo chez le patient vis à vis du thérapeute.

Quels sont à présent les biais cognitifs qui vont donner l’illusion d’une efficacité du thérapeute et du traitement chez le patient et nourrir et indirectement le thérapeute.

Réussir dans les échecs du thérapeute précédent

Nous voyons souvent des patients qui ont vu plusieurs thérapeutes sans grand succès. Et après notre approche oh miracle il va mieux. Nous nous gargarisons intérieurement de l’incompétence d’autrui et notre grande efficacité. Il est a rappelé que nous ne voyons que les échecs des autres thérapeutes et les autres thérapeutes ne voient que les nôtres!

De plus le fait que le patient viennent nous voir il s’est généralement passé un laps de temps no négligeable le rendant moins aiguë, et savoir ce qu’a fait le thérapeute influence fortement la manière dont nous allons traiter le patient. Au final pas de quoi avoir la grosse tête….

Les biais cognitifs chez le patient

Chez le patient, les biais cognitifs peuvent influer sur l’effet placebo. Pour peu que le patient se sente mieux après un traitement alors il tunnélisera à coup sûr sur les compétences de son thérapeute.

L’effet de Halo

L’effet de Halo est une tunnélisation du patient envers les compétences du thérapeute. C’est le fait qu’une première bonne impression biaise votre jugement sur la qualité de l’ostéopathe. Ainsi envers un ostéopathe chaleureux, plaisant, écoutant vos problèmes il vous sera plus difficile de le trouver incompétent au niveau de ses soins ostéopathiques qu’un ostéopathe qui n’a pas ces qualités.

De même un ostéopathe qui est clairement impressionnant au niveau de son diagnostic, subjuguera son patient et il lui sera alors très difficile de douter de ses compétences thérapeutiques. Dans la tête du patient on a Diagnostic impressionnant=> très bon ostéopathe => si très bon ostéo alors très bon traitement=> je suis entre de bonnes mains je vais aller mieux. Alors qu’être capable de ‘faire un bon diagnostic’ est différent que de pouvoir ‘faire un bon traitement’.

Par exemple: Un jour un jeune patient vient consulter pour une douleur thoracique: Je remarque une odeur de cigarettes avec une moins bonne circulation périphérique, dents assez colorées, une peau plus abondante que la normale, palpation réactive de l’estomac (entre autres). Du « cold et hot reading » se mettent alors en place:

_Th: « vous fumez une bonne dizaine de cigarettes par jours, depuis pas mal de temps non ? »(odeur de cigarette + mauvaise circulation) » _Pt: « oui effectivement« . _Th: « Vous buvez pas mal de café non ? 2-3 tasses par jour peut-être ? » (dents colorés, cigarettes, boulot). _Pt: « oui en ce moment, j’en bois pas mal..._Th: » Vous avez eu des Weekends un peu chargés au niveau alcool dernièrement ? » (jeune + été + Cigarette/café =>hygiène de vie pas terrible+joue au rugby = 3ème mi-temps) _ »Oui le Wd dernier c’était un peu violent on a enchaîné toute la nuit« . _Th: »Et l’estomac il est un peu sensible en ce moment ? aigreur ou brûlures le soir quand vous vous couchez peut-être ? » (palpation = réactive + douleur référée + hygiène de vie+cuite). _Pt: « Oui, c’est hallucinant ce que vous me dites ! « . _Th: « Vous avez perdu du poids, genre une dizaine de kilo ces derniers mois ? » (léger excès de peau non-élastique) _Pt abasourdi: « Effectivement une dizaine de kilo il y a 6 mois. Vous êtes médium ou quoi ??? »

Après une lecture avec autant de « hits » le patient ne peut pas vous considérer autrement que compétent. Quel que soit le traitement que vous faites par la suite, vous avez gonflé cet effet de Halo au maximum, maximisant ainsi l’effet placebo de votre traitement, vous êtes LE thérapeute de la situation. Le patient ne tunnelisera plus que sur vos côtés positifs oubliant vos erreurs.

Un thérapeute qui excelle en effet de Halo est Jean-Pierre Barral grâce à sa maitrise du diagnostic thermique. Il trouverait les dysfonctions sans toucher le patient mais en survolant de sa main le corps du patient et dit qu’il peut les dater en fonction de leur forme et intensité/température…

Il a le Don, Il a le Don !

Considérer que le thérapeute a un don va aussi faire gonfler cet effet de Halo. C’est encore mieux si le thérapeute l’a développé après un accident, un arrêt cardiaque ou un coma. Il est allé dans l’au-delà et en est revenu, il a ramené le don. Parfois ce don se transmet de parents à enfant ou encore mieux de grand-parents à enfants.

En fait ce que décrivent les patients c’est le ressenti de chaleur des mains du praticien. Et lorsque pendant 45 minutes vous travaillez le corps du patient avec vos mains, il y a vasodilatation des artères de vos mains et donc plus de sang « chaud » et dons les mains sont chaudes. Bref pas de quoi s’emballer.

Evidemment avoir une main souple et respectueuse des tissus favorise cette qualification de « don ».

 

Tendre vers l’objectivité thérapeutique

Lutter contre la croyance en utilisant ‘peut-être’

Peut-être: Ce mot composé permet d’émettre un doute sur une affirmation.

L’un des intérêts est que cela évite de se retrouver en porte-à-faux si un élément contradictoire à notre affirmation voit le jour et de moins facilement exclure une pathologie latente du diagnostic différentiel.

On s’autorise à avoir tord. En surface cela renvoie une image d’incompétence à votre interlocuteur. Il a l’impression que vous ne maîtriser pas votre sujet car vous n’êtes pas sûr de vous. Mais en fait vous connaissez les potentielles failles de ces certitudes. Vous vous êtes laissé des portes ouvertes à des scénarios alternatifs. Ces portes étaient des « peut-être ».

Lorsque le thérapeute se force à l’utilisation du »peut-être »la corrélation devra être vérifiée plus de fois avant d’être considérée inconsciemment comme une probable vérité, un probable lien de ’cause à effet’…

Utiliser un coefficient de certitude

(Partie en cours d’écriture)

Il serait aussi intéressant de lier à vos connaissances ou à vos hypothèses une valeur comme un pourcentage de probabilité que ce soit vrai (ou avoir recours au théorème de Bayes?).

En clair pus il y a de « si » dans votre raisonnement plus il y a de chances pour que ce ne soit pas vrai.

Conclusion

De nombreux biais n’ont pas été traités, tous les développer serait sans fin.

Mais rien que le fait de prendre conscience de certains d’entre eux agis comme une boule de neige. Rapidement de nombreuses certitudes se voient questionnées chamboulant ces certitudes que nous croyions certaines.

L’ostéopathie de part sa nature est très sujette à ces biais cognitifs. C’est le terrain de jeu par excellence pour démêler le fantasque du réelle.

Si nous aimons l’ostéopathie ce n’est que la respecter de vouloir l’épurer de tout biais pour en percevoir sa nature propre.

Faire ce travail personnel est essentiel si l’on veut défendre l’ostéopathie vis à vis de nos chers pseudo-sceptiques et afin de gagner en crédibilité vis à vis des professionnels de santé (qui feraient bien aussi de faire le même travail …).

Bonne tunnélisation !