« A ramer à contre courant, on s’épuise à aller nulle-part, et en plus ça rend de mauvais poil… »

C’est à dire que bien que l’ostéopathie en soi fût « inventée » par A.T. Still en 1874, elle reste une jeune thérapie en tant que « profession de santé » en France. Profession de santé est mis entre «  » car bien que ce terme soit utilisé en première page des décrets, et que nous ne soyons pas assujettis à la TVA à cause de cela, nous sommes très loin d’être considérés comme professionnels de santé par les autres professionnels de santé (médecins, masseur-kinésithérapeutes…). Je vous laisse le soin de parcourir le web, forums, newsletter d’Ordres de professionnels de santé, recommandations de non partage de locaux (…) pour vous faire une idée de la chose.

Qu’est-il reproché aux ostéopathes ?

Sans renier notre identité d’ostéopathe c’est à nous de tendre à s’adapter au standard du corps médical. Bien que ce soit le but des textes de loi, dans les faits c’est encore bien loin d’être le cas.

1. Le Mumbo-jumbo ostéopathique :

  • Lorsqu’un patient vient voir son médecin et lui dit que son ostéopathe lui a remis un disque en place, que son problème de cervicales venait du foie, ou que son problème de cheville venait de sa mâchoire c’est vraiment délétère à l’image de l’ostéopathie. Et encore ces exemples sont softs mais malheureusement trop courants.
  • Mais il y a pire ! Lorsque dans certains livres d’ostéopathes reconnus on peut lire qu’il y a des archanges, qu’on a une tension dans un uretère à cause d’un coup de fourche reçu dans une vie antérieure, ou qu’en prenant le pouls au niveau pédieux on arriverait à découvrir que les problèmes du patient proviennent du fait qu’intra-utéro sa mère porteuse habitait à côté d’une station service ou que des « collègues » tirent les cartes ou utilisent un pendule pour diagnostiquer leur patient… excusez ma grossièreté mais WTF !

Comment ne pas s’imaginer qu’une personne du corps médical ne s’insurge à l’idée que les ostéopathes puissent intégrer le système médical ? Nous creusons évidemment notre propre tombe…

2. Certains aspects de la Philosophie ostéopathique :

  • L’ostéopathie crânienne est un des talons d’Achille de l’ostéopathie. Notamment le fait que les ostéopathes revendiquent que les os du crâne bougent de manière rythmique et inhérente, et qu’une restriction micrométrique d’un temporal puisse par exemple entraîner une sciatalgie… Car si Sutherland (un journaliste des années 40, fan d’analogies) l’a dit c’est que ce doit être vrai…
  • On pourrait aussi parler de « l’holicisme » : cette volonté de l’ostéopathe à vouloir systématiquement trouver une cause invraisemblable aux maux du patient. Il faudrait plutôt l’appeler « distancisme ». En effet lors de mes expériences de tuteur j’ai pu remarquer que nombres d’étudiants futurs ostéopathes cherchaient souvent à trouver la cause la plus distante possible aux problèmes du patient avec le raccourci cérébral suivant « cause distante = je suis holistique = je suis un bon ostéopathe » car biberonnés aux traitements miraculeux de leurs enseignants.

Que peut penser un professionnel de santé sur la formation des ostéopathes exclusifs lorsqu’il sait que dans le contenu des cours sont enseignées des théories capillo-tractées ?

3. Le « miracle » ostéopathique :

  • L’ostéopathie se gargarise d’un résultat en 2 – 3 traitements pour les lombalgies, et autres douleurs musculo-squelettiques. Mais est-ce vraiment servir l’ostéopathie que de revendiquer une telle amélioration en si peu de traitements ? Est-ce vraiment la norme ? combien de fois ne revoyons-nous pas le patient car le coût de la consultation lui est prohibitif au vu de l’amélioration escomptée (voir ici) ? Est-ce que l’ostéopathe en agissant de la sorte ne triche pas sur le contenu de ses traitements ?
  • En effet est-il véritablement possible de faire un état des lieux complet du patient : l’anamnèse, de faire l’ensemble des tests orthopédiques, neurologiques, médicaux, ostéopathiques,  de lui faire des recommandations, et de le traiter lors d’une première séance en rajoutant bien sûr la facturation et le déshabillage/rhabillage et en plus d’enregistrer cela le plus fidèlement possible dans le dossier médical et éventuellement écrire une lettre tout en étant souriant et décontracté ?

BS… Not possible, surtout lors du premier traitement, à moins de sévèrement compromettre une ou plusieurs de ces étapes. Et compromettre certaines de ces étapes c’est d’une part s’éloigner du statut de professionnel de santé et d’autre part prendre le risque de faire une erreur thérapeutique. Évidemment il est statistiquement impossible qu’un ostéopathe ne puisse pas passer à côté de quelque chose, mais plus vous lui mettez une pression de résultat moins il temporisera et plus il y a de chances que l’erreur arrive.

Que peut penser un médecin de l’ostéopathie lorsqu’il reçoit un patient qui a été manipulé sur une fracture ou qu’il passe à côté d’une douleur référée d’un infarctus parce qu’il n’a pas pris le temps de temporiser le traitement car il recherche à offrir un traitement/une amélioration à tout prix ? Car rappelons le nous ne voyons que les erreurs des autres thérapeutes…

4. Le manque de recherche :

Cortecs a récemment publié 2 recherches en 2016 et 2018 qui épinglent l’ostéopathie viscérale et crânienne (ici et ici). L’efficacité de l’osteopathie est loin d’être définitivement prouvée. Et tant bien qu’un protocole soit prouvé efficace, est-ce celui-ci que vous pratiquez en cabinet ?
Evidemment le fait que l’ostéopathie soit une thérapie manuelle en marge des professions de santé complique sérieusement les levées de fond et l’organisation nécessaires à l’établissement de recherches dans son domaine mais faut-il se réfugier derrière cette difficulté  ou derrière celle d’établir des protocoles (« contraire » à notre philosophique ostéopathique) pour s’en abstenir ?

Comment un professionnel de santé peut recommander à un patient d’aller voir un « thérapeute » dont la thérapie n’est pas prouvée efficace ? Il est normal que cela puisse être contraire à sa déontologie.

Ce sont ces raisons qui m’ont poussé en 2019 à monter mon entreprise Osteopathie-64 dont le premier projet est le logiciel Diagnosteo.

Pourquoi Diagnosteo permet de répondre à nombre de ces problématiques ?

1. Concernant le mumbo-jumbo ostéopathique :

  • Le système d’enregistrement du schéma lésionnel du patient sous Diagnosteo est d’une simplicité extrême et un retour aux fondamentaux ostéopathiques à savoir le manque de mobilité. Ainsi les structures ostéoarticulaires et viscérales sont définies en fonction de leur mobilité. Pour les muscles en fonction de leur tonicité (un tonus musculaire de base plus ou moins élevé). C’est un langage simple et qui permet d’être facilement compréhensible par d’autres professionnels de santé.
  • Le fait de pouvoir créer des bilans , des compte-rendus ou des lettres facilement va améliorer votre communication avec les autres professionnels de santé. Et j’aime à croire que lorsqu’un médecin aura reçu 3-4-5 courriers de votre part concernant ses patients il sera plus susceptible de recommander à ses patients chroniques de venir vous voir. De plus cela va éviter des mauvaises interprétations, répétées et amplifiées de ce que vous avez dit à votre patient et qu’il répète à son médecin…

2. Concernant la philosophie ostéopathique

  • N’allait pas croire que je ne pratique pas le « crânien » ; oui je le pratique, oui les patients trouvent ça particulièrement détendant et ça à l’air assez efficace sur les tensions somato-émotionnelles ou psycho-somatiques, mais cela est-il une raison nécessaire pour supporter une théorie vitaliste vieille de 80 ans (et de l’enseigner dans les écoles) alors que de nombreuses recherches ont plutôt tendance à l’invalider ? Il peut y avoir d’autres explications plus rationnelles moins facilement critiquables entre autres celle de l’effet idéomoteur et de l’embodiment, ici ou encore ici.
  • Peut-on affirmer qu'une ATM est responsable d'une cheville si on n'a pas testé le reste ? Le principe de la vision holistique (ou « distancique ») est en autres entretenue car le jeune et moins jeune ostéopathe peuvent facilement tomber vers un biais de confirmation en ne testant que les structures qu’il souhaite tester. Il ne s’en rend pas forcément compte car lorsqu’il remplit son dossier il ne remarque pas ce qu’il n’a pas testé… Avec Diagnosteo et le remplissage du schéma lésionnel vous apercevez ce que vous n’avez pas testé, il devient alors beaucoup plus délicat d’affirmer un lien distant (et a fortiori un lien de causalité).

3. Concernant le Miracle ostéopathique

  • Diagnosteo a été pensé dans le but de gagner du temps et de la qualité dans l’enregistrement de votre examen clinique grâce au système speedwriting. Trop souvent nous ne réalisons pas correctement ces tests ou n’écrivons pas le résultat si l’examen était négatif à cause de la pression temporelle. Erreur ! La direction dans laquelle s’engage l’ostéopathie est celle d’une profession de santé et avec tout le respect que nous devons à M. Tricot, si nous voulons garder notre indépendance professionnelle nous devons pouvoir savoir si un cas relève de nos compétences ou non. Il n’y a pas lieu d’être nostalgique car une fois le périmètre de sécurité mis en place nous pouvons traiter le patient comme bon nous semble. De plus à cause/grâce au RGPD nous nous devons tenue exemplaire de nos dossiers.
  • En acceptant les contraintes temporelles et législatives qu’un examen clinique approfondi impose, cela permet de temporiser le traitement. Avec Diagnosteo vous pouvez créer un bilan, éventuellement une lettre pour le médecin du patient pour une demande d’examen complémentaire pour la séance suivante. Ainsi vous pouvez bien expliquer ce qui va relever de l’ostéopathie ou non, et offrir un plan de traitement. Cela améliore votre suivi patient, la qualité de vos traitements, évite une potentielle « boulette » car rappelons que vous serez directement responsable (à l’instar d’autre professionnels de santé) et en plus cela vous permettrait d’augmenter votre CA. Rappelez-vous que vous avez le droit d’être holistique sur plusieurs traitements ! De plus si on regarde les autres thérapies elles font toutes des bilans avant de commencer à traiter pourquoi cela serait-il différent en ostéopathie ?

4. Enfin concernant le manque de recherche :

Diagnosteo vous permet de participer à la recherche en ostéopathie car le logiciel permet la récolte des données anonymisées de vos patients. C’est à dire que par votre propre professionnalisme, sans prise de tête, en restant dans votre cabinet vous pouvez faire avancer l’ostéopathie comme jamais auparavant.

A plusieurs centaines d’ostéopathes en partageant plusieurs centaines de fiches patients par an nous pouvons récolter des dizaines de milliers de schémas lésionnels. Ce qui permet de faire de la big data en ostéopathie et enfin d’affirmer ou non de manière plus scientifique certains liens viscéro-somatiques ou somato-somatique affirmés par les ostéopathes, de mieux apprécier la rigidité des structures avec l’âge et bien plus encore…

En conclusion

 

Cela fait seulement 15 ans que je pratique l’ostéopathie, et je dois avouer que l’utilisation de Diagnosteo bouleverse profondément mon approche ostéopathique.

Je ne sais pas si c’est pour le mieux, mais en tout cas c’est dans la tendance actuelle des choses et autant prendre les devants. J’aime à croire que le principe fondamental de l’ostéopathie (le mouvement c’est la vie) devrait aussi s’appliquer à notre propre approche ostéopathique afin de ne pas tomber dans une stase ostéopathique et intellectuelle…

Heureusement que nous nous rapprochons un peu plus chaque jour du bord de la falaise, c’est grâce à ce phénomène naturel que nous tournons enfin les pages sur de vieux us et coutumes.

Andrew Taylor Still est mort ! Vive l’Ostéopathie !