Essayons de faire preuve d’auto-critique et passons au crible le rôle du placebo dans l’ostéopathie.

Cet article peut être dérangeant car il semble mettre à jour un nombre importants de manipulations psychologiques. Mais à y regarder de plus loin vous verrez que ce phénomène existe partout: à l’école, à l’église, à votre supermarché, chez votre médecin et bien sûr chez votre ostéopathe! Nous utilisons ces techniques sans nous en rendre compte, mais en être conscient permet de les utiliser à notre avantage et dans un seul but: celui de vous faire aller mieux.

Le Placebo dans l’ostéopathie


Il faut rappeler que le patient en plus d’avoir mal, est de moins bonne humeur, il est stressé, angoissé de se trouver vulnérable, de ne pas comprendre ce qu’il lui arrive et parfois inquiet de savoir si il va pouvoir travailler ou même de pouvoir s’en remettre.

Cet état d’esprit empoisonne une partie de sa capacité à positiver et à s’améliorer. C’est sur cet aspect-ci que la partie placebo du traitement a son champs d’action.

L’effet placebo est un effet psycho-somatique. Par conséquent tous les subterfuges pour augmenter la positivité ou diminuer la négativité envers l’ostéopathe, l’ostéopathie, et sur le rapport du patient vis-à-vis de sa douleur aura un effet positif sur l’évolution du patient.

Nous allons tenter de définir les grands axes de l’effet placebo qui entrent en œuvre pendant un traitement d’ostéopathie.

1. Le ressenti envers l’ostéopathie

    1. se faire recommander un ostéopathe: l’état d’esprit d’un patient à qui on recommande un ostéopathe est totalement différent de celui qui en cherche un dans les pages jaunes. Le premier va se permettre d’attendre plusieurs jours pour un rendez-vous alors que le second se précipitera au n° suivant si le thérapeute n’est pas disponible dans l’après-midi. En ayant suivi la suggestion de son ami, le futur patient est déjà conditionné à voir un ostéopathe compétent et recevoir un traitement de qualité.
    2. prendre un rendez-vous: c‘est l’un des pas des plus importants que va faire le patient, il se prend en charge en venant voir un ostéopathe. Prendre une telle décision montre que le patient a une « étincelle de désir » d’aller mieux. Comme il désire être là, ce patient sera généralement pro-actif pendant le traitement. Les patients les plus difficiles à traiter sont très souvent les patients dont un proche leur a obligé un rendez-vous. Ceux-là, ne se laissent pas aller, ne sont pas conciliant et n’ont pas envie d’être là. Ils n’attendent qu’une chose, la fin du traitement et dire à leur proche que le traitement ne leur a rien fait.
    3. La durée du traitement: le fait qu’un traitement dure au moins 30 minutes permet au patient de se sentir écouter et compris dans leur souffrance. Rien que ce fait permet au patient de déstresser, de se laisser aller et de vider son sac.
    4. le coût de la consultation: Le coût du produit influe aussi sur son efficacité! Certaines personnes prétendent que les médicaments génériques ne sont pas aussi efficaces, cela pourrait venir du fait qu’ils sont moins chers et du coup leur effet placebo est moindre. On interprètera cela comme: « Les génériques sont moins chers c’est parce qu’ils sont de moins bonne qualité » au lieu de « les médicaments originaux étaient hors de prix, les industriels pharmaceutiques se sont vraiment gavés pendant qu’ils avaient le brevet. De la même manière, le fait qu’un patient doive payer pour un traitement ostéopathique contribue aussi à une partie de l’effet placebo. Car premièrement c’est assez cher (50-60€) et deuxièmement en France on ne paye généralement pas pour la santé. Il est évident que le patient n’a pas envie de dépenser 50€ pour rien, il va donc se mettre dans un état d’esprit « je veux aller mieux ». De plus Il va respecter le traitement, car comme il l’a payé de sa poche, les jours suivant il va prendre soin de lui pour éviter tout trauma et ne pas « gâcher » le traitement.

  1. se déshabiller: Voir le patient en sous-vêtement est important médicalement mais a aussi un autre avantage. Le fait que le patient se déshabille permet de le plonger dans un état plus suggestible. Si un patient essaie d’instaurer une relation du type « parent-enfant » avec l’ostéopathe, il est alors très important pour la réussite du traitement de ne pas laisser ce patient garder son pantalon par exemple. Le fait qu’il se retrouve en sous-vêtement ré-équilibrera cette relation vers « adulte-adulte ». En revanche si un patient est timide et vous force vers une relation « enfant-parent », leur offrir une couverture après l’observation, ou leur permettre de garder leur jeans les apaiseront et améliorera certainement la réponse au traitement.
  2. le principe de l’ostéopathie: Les principes de l’ostéopathie sont simples et « parlent » au patient. Le patient peut alors identifier son problème comme du ressort légitime de l’ostéopathie. Il se s’auto-suggère ainsi que c’est la thérapie réponse à son mal.

2. L’ostéopathe

    1. le cabinet: Vous sentez vous à l’aise, est-il propre ? fait-il froid ? Est-ce que vous aimez la ville où il se situe ?
    2. son âge: l’âge est l’un des facteurs qui peut travailler contre l’ostéopathe et faire partie des facteurs « nocebo« . Si l’ostéopathe est jeune et compétent, il y a de fortes chance que le patient soit juste satisfait après le premier traitement. Car il considèrera que si il y a amélioration de 40%, elle aurait pu être de 60% avec un ostéopathe qui a plus d’expérience.
    3. le contact: comment est votre ostéopathe ? accueillant ? main froide ?hautain?illuminé ? avez-vous confiance en lui ?
    4. le genre: le sexe de l’ostéopathe peut avoir une grosse influence sur le traitement. Certaines femmes préfèrent être traitées par des femmes, d’autres par des hommes et réciproquement. Ce problème ne se pose que rarement, car généralement le patient choisi d’avance le thérapeute qu’il va voir. Mais parfois l’imprévu arrive et cela peut jouer à l’inverse de ce que l’on pourrait imaginer, c’est la « dissonance cognitive« .
    5. Dissonance cognitive: « La dissonance cognitive est un concept de psychologie élaboré par Leon Festinger en 1957 dans son livre « L’Échec d’une prophétie« .Selon cette théorie, l’individu en présence de cognitions (« connaissances, opinions ou croyances sur l’environnement, sur soi ou sur son propre comportement » [2]) incompatibles entre elles, éprouve un état de tension désagréable : c’est l’état de « dissonance cognitive ». Dès lors, cet individu mettra en œuvre des stratégies inconscientes visant à restaurer un équilibre cognitif » (wikipedia). L’expérience personnelle suivant  pourrait en être un exemple: un jour je remplaçai un ostéopathe à la dernière minute et il n’avait pas eu le temps de prévenir tous ses patients. L’un d’eux était une femme qui s’était faite violée 3 ans auparavant ce qui n’était évidemment pas encore digéré. « She might be a little bit upset » me prévint-il… En me voyant, elle fut évidemment à la limite de vouloir annuler le RDV (peut-être la difficulté d’accorder sa confiance en un autre homme, d’un inconnu, de raconter son histoire traumatisante) mais elle accepta tout de même le traitement. Nous travaillâmes en fascial et crânien essentiellement. La semaine suivante j’appris qu’elle ne s’était pas sentie ainsi depuis 3 ans. Effet du traitement fascial ou effet de dissonance cognitive ?
    6. La Blouse blanche: La blouse blanche est le symbole du corps médical. C’est une barrière très efficace entre le patient et le thérapeute, qui lui rappelle constamment qu’il a affaire à un professionnel de santé. C’est un outil très efficace pour les jeunes ostéopathes qui ont besoin d’aide pour dresser une barrière.  Mais une telle barrière peut aussi être un frein dans la relation patient-thérapeute.
    7. A-t-il « le don » ?: Faire percevoir à son patient que l’on possède « le don » peut-être un jeu dangereux et limite déontologique mais permettrait de subjuguer le patient et par conséquent le rendre plus suggestible. « Le don » regroupe différentes capacités « extra-ordinaires » (le magnétisme, la clairvoyance…). Savoir si elles existent ou non n’est pas ici le débat. Par contre il est possible de feindre avoir de telles capacités. Il est dit que certains ostéopathes peuvent en touchant le crâne, arriver à identifier de vieilles entorses ou blessures au niveau d’une cheville par exemple. Ceci peut-être fait sans avoir ce « don ». Voici comment un ostéopathe peu scrupuleux pourrait procéder: le patient est allongé sur dos, Il peut effectuer rapidement un testing des chevilles (cela prend 10sec et passe inaperçu). L’ostéopathe repère un blocage, et se place ensuite au niveau du crâne. Au bout de 3 minutes il peut s’exclamer: »ouh là là, vous avez un blocage à la cheville droite… une vieille entorse peut-être ? ». L’effet est garanti…
    8. « lecture froide » ou « cold reading »: ( à lire full facts book of cold reading de Ian Rowland) c’est la capacité à comprendre et à lire une personne mais aussi à lui faire croire qu’on puisse la lire. Utiliser ce genre de techniques peut aider le thérapeute à subjuguer le patient. Le patient est impressionné par les « capacités » de son ostéopathe et va du coup lui faire plus confiance et devenir plus suggestible. Ce genre de techniques est à utiliser avec modération… voici quelques exemples:
      1. lorsque le patient décrit sa douleur, il va souvent en même temps toucher l’endroit qui lui fait mal. Sans regarder directement le patient, l’ostéopathe peut voir avec sa vision périphérique où le patient montre sa douleur. Cette information peut-être restituer plus tard pour impressionner le patient : « c’est bien le genou droit qui vous fait mal? je l’ai vu à votre démarche »
      2. Essayer de faire des « hits »: en posant des questions négatives, par exemple: « vous n’avez pas eu des maux de tête récemment ? » l’ostéopathe est certain de faire un « hit ». Si le patient répond par l’affirmative alors c’est un « hit » et si il répond par la négative, il n’avait pas tort!
      3. Utiliser des phrases « puits » ou « barnum statements ». Ce sont des phrases qui sont vrais pour 90% des patients mais que eux vont percevoir comme leur étant directement personnelles. Par exemple : « vous avez pas mal de stress en ce moment entre le travail et la famille non ? »


  1. Comparaison avec les thérapeutes précédents: A la fin du traitement il est légitime que l’ostéopathe demande si le traitement était semblable aux traitements que le patient avait reçu avec ses thérapeutes précédents. Cette manoeuvre a deux objectifs: le premier est pour avoir une idée de l’approche de ses collègues et la seconde est de faire valoir la qualité du traitement que le patient vient juste de recevoir.

3. le Complexe psychologique patient-douleur

  1. le vocabulaire utilisé aurait une influence: dans le livre « predictably irrationnal » l’auteur relate une expérience réalisée pour évaluer l’influence des mots sur notre humeur. L’expérience consistait à demander à deux groupes de personnes de lire et de mémoriser des listes de mots. Dans le premier groupe des mots évoquant la lenteur, le repos, le calme faisaient partie de la liste et dans le second groupe des mots synonymes de rapidité, stress, excitation étayaient leur liste. A la sortie de leur exercice de mémoire, un expérimentateur chronométrait discrètement le temps qu’il leur fallait pour parcourir le couloir jusqu’à l’ascenseur. Vous le devinez, les gens du premier groupe mettaient plus de temps que ceux du deuxième groupe pour rejoindre l’ascenseur. Revenons à une séance d’ostéopathie: notre patient est stressé, tendu, à bout de nerfs, il est bien évident qu’une sémantique se rapportant à l’énervement est à proscrire, préférez plutôt un langage calme, posé et un vocabulaire apaisant.
  2. subjectivité douleur: (…) . Les techniques de points gâchettes sont aussi des outils efficaces pour aider le patient à relativiser le degré de douleur qu’il ressent à la normale. Ces techniques reproduisent les douleurs ressenties
  3. Subjectivité et suggestion de l’amélioration: cette partie du traitement prend place à la fin des traitements ou au début des traitements.
    1. A la fin du traitement: « Aider » le patient a ressentir des changements dans son corps à la fin d’un traitement est très important car cela oblige le patient à reconnaître une certaine efficacité du traitement qu’il vient de recevoir, ce qui ouvre une porte à l’acceptation de pouvoir aller mieux dans le futur. Certains patients, les moins suggestibles, se garderont d’exprimer leurs sensations.
    2. Au début du second traitement: Ce moment là est essentiel, car le patient n’est pas vraiment certain de ce qui va mieux ou non. Réévaluer les différents mouvements ou habitudes qui étaient douloureux permet de donner une idée de l’amélioration. Lui demander ensuite un pourcentage d’amélioration lui fait voir la partie « pleine du verre ». Il est important que le patient ait senti un changement. Le patient qui vous dit qu’il n’y a eu aucun changement (ce qui est différent d’aucune amélioration temporaire) peut-être soit de mauvaise foi, soit trop peu à l’écoute de son propre corps.
  4. Le langage corporel: être conscient de son langage corporel et savoir décoder celui du patient est important. Il permet de savoir si le patient est réceptif ou non et l’action que l’on fait est perçue positivement ou non par le patient. Un expert en langage corporel commença un jour une conférence aux USA en critiquant les moeurs américaines. Au bout de quelques minutes, il s’arrêta et demanda à son audience de rester dans leur position corporelle et de s’observer mutuellement. La grande majorité avait les bras croisés! Croiser les bras ou les jambes sont souvent signes d’une posture de réserve. Si votre patient allongé sur la table se met dans une telle posture, il est fort probable que cela influence négativement sur sa réceptivité. Demandez lui simplement de « décroiser » les jambes ou les bras. Faites bien-sûr de même avec toute posture du patient qui pourrait bloquer ce langage corporel entre le patient et son traitement.
  5. La suggestion: le traitement peut être assimilé à une induction d’hypnose. Le patient se retrouve dans une position peu ordinaire (dénudé allongé entre les mains d’un thérapeute) et vient d’exécuter une série de commande de l’ostéopathe (déshabillez-vous, allongez-vous, levez la jambe, mettez vous sur le côté…). Ceci le rend à chaque fois plus suggestible car il exécute chacune de vos demandes. Une expérience narrée dans  » Petit traité de manipulation à l’usage des honnêtes gens » fût la suivante: on demanda à un groupe d’élève d’aborder des passants pour leur soutirer un peu de monnaie. Le résultat fut peu encourageant. Par la suite on réitéra l’expérience en leur demandant d’abord de demander l’heure puis ensuite de demander une petite pièce. ils décuplèrent alors leur gains! Le fait d’acquiescer à une première suggestion rend le patient plus conciliant pour la seconde suggestion… Pendant le traitement il n’est pas rare de répéter près de 50 fois : « relâchez-vous, détendez-vous, laissez aller… ». Ces suggestions sont efficaces et cassent temporairement l’état de crispation et de stress du patient.
  6. L’ancrage: est souvent utilisé avec la suggestion. C’est en fait un réflexe de Pavlov. On associe à une suggestion une stimulation visuelle, tactile, olfactive… Par exemple il est possible de tapoter légèrement l’épaule du patient lorsqu’on lui demande d’effectuer des mouvements: comme ceci il associe le « tapotage » à répondre à une commande. Ensuite associer le tapotement à la commande « détendez-vous, laissez aller… ». Vous n’aurez par la suite qu’à tapoter la partie du corps que vous voulez que le patient détende. Ceci est très efficace et permet de passer outre le côté rébarbatif des suggestions. Un autre ancrage puissant est celui de l’odeur. Utiliser une crème à l’odeur plaisante et singulière va permettre au patient d’associer le traitement à un moment où il est pris en charge, où il va aller mieux etc… Les produits à base de camphre en sont un bon exemple.
  7. les corrélations mieux-thérapies: il est intéressant de voir comment nous sommes victimes de notre volonté à trouver des liens de causes à effet sur les évènements qui nous entourent. Si un patient va mieux après un traitement, même si cela prend une semaine, pour peu que l’ostéopathe lui dit que cela prendra plusieurs jours, alors il saluera nécessairement l’efficacité de la thérapie. Conclusion hâtive…
  8. donner des exercices: Donner des exercices ou recommander de mettre de la glace sur la douleur permet de prolonger l’influence du traitement. Le patient en suivant les suggestions de son ostéopathe (qui sont efficaces ou non) se conditionne à se prendre en main et à positiver. Ce sont aussi des pare-feu au cas où le patient ne s’améliore pas: l’ostéopathe pourra poser la question : »Si vous aviez mis de la glace comme je vous l’avais préconisé, vos effets secondaires auraient été moins importants. » Ce la permet notamment de se déculpabiliser et de renvoyer la « faute » des effets secondaires ou du problème non résolu au patient.
  9. recommander sur la nutrition: cela fonctionne sur le même principe que les exemples précédents.
  10. prévenir des effets secondaires: Oublier de prévenir le patient des effets secondaires qu’ils peuvent ressentir est une importante erreur. Car le fait de savoir qu’il peut avoir des effets secondaires rassure le patient et le fait d’en avoir crédibilise d’autant plus l’efficacité thérapeutique et celle de l’ostéopathe.

Conclusion

Si une thérapie accepte le fait qu’elle ne fonctionne que sur des principes de suggestion (tout comme l’hypnose, ou la PNL), peut-on alors parler de thérapies placebo ? A priori non, car leur domaine de compétence, c’est celui de la suggestion, et la suggestion c’est l’essence même de l’effet placebo.

Si l’on considère l’ostéopathie comme une approche thérapeutique strictement manuelle et mécanique qui traite seulement les troubles musculo-squelettiques alors dans ce cas, le placebo a un très grand rôle dans l’efficacité thérapeutique.

Par contre si dans la définition de l’ostéopathie on considère que  c’est une thérapie holistique de prise en charge globale du patient alors l’ostéopathie n’a plus d’effet placebo car on a élargi son champs d’action avec celui du domaine de la suggestion!

Une manière peut-être plus réaliste de conclure serait de dire que plus le thérapeute est conscient des variables psychologiques sur lesquelles il peut influer pour agir positivement sur son patient moins l’effet placebo est important au sein du traitement.

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