Et si il y avait une croyance « has been » dans la tarification ?

Aujourd’hui, un contexte ostéopathique différent d’hier

Les traitements en Ostéopathie sont chers avec une moyenne nationale de 53€ (voir ici), les tarifs varient facilement entre 45 et 70€. Il est admis que « 53€ » est un tarif acceptable en ostéopathie.

Nos ainés ostéopathes, pratiquent sous ces tarifs et même souvent plus élevés car il faut valoriser leur expérience.

Il est important de noter que nos ainés ne travaillaient pas dans le même environnement quand ils ont commencé. En offrant ce genre de service original et rare, ils s’adressaient à une patientèle qui en avaient les moyens, ou pour laquelle la santé étaient très importante. Ils ont pu développer une grosse patientèle et des listes d’attente parfois frisant avec le ridicule (plusieurs mois). Un moyen évident pour tirer profit de cette situation est d’augmenter ses tarifs et de faire moins souvent revenir ses patients.

Ces ostéopathes sont pour certains d’entre eux devenus enseignants et ont transmis cette vision de l’approche ostéopathique : « Faire revenir peu souvent les patients et facturer cher », car leur cabinet débordait de patients.

Les « smicards » et autres faibles revenus consultent-ils des ostéopathes ?

Il serait raisonnable de suggérer qu’une grande partie de la population, celle qui a le plus de moyen et qui est à l’écoute de son propre corps consulte déjà un ostéopathe. Ces fameux 20-25% cités dans la recherche d’Opinion Way de 2010.

Qu’en est-il des 75-80% restants ? Pourquoi ne consultent-ils pas un ostéopathe ? à cela on peut supposer plusieurs réponses:

1. Ils vont bien et ne pensent pas bénéficier d’un traitement
2. Ils ne connaissent pas l’ostéopathie
3. Ils n’y croient pas
4. Ils ont eu une mauvaise expérience ostéopathique
5. Ils voudraient en voir mais 53€ c’est trop cher.
6. ?

Il est difficile d’apprécier dans quel ordre décroissant d’importance il faudrait arranger cette liste. Mais si dans le contexte actuel de crise économique on imagine quelqu’un qui gagne +/- le SMIC il paraît évident que dépenser plus de 50€ voire 150€ (si il faut faire plusieurs séances) pour une douleur de dos, cela devient vite un luxe impossible de s’offrir, car bien évidemment cette personne ne peut pas non plus s’offrir une mutuelle qui la rembourse correctement.

Dans ce contexte de saturation ostéopathique, les jeunes ostéopathes ont appliqué de manière diligente ce qu’on leur avait enseigné : « facturer cher et faire revenir peu souvent ». Après tout ils sont diplômés de « mon école est la meilleure » ce qui justifie leur tarif. Mais le nombre de patients pouvant s’offrir ce luxe prohibitif étant moindre,  le développement du cabinet devient très délicat.

Ici nous ne parlons que d’une ostéopathie « curative », imaginez alors ce même improbable patient si vous lui parlez d’ostéopathie préventive ! Pensez-vous vraiment le convaincre à dépenser « une petite fortune » chez vous lorsqu’il ne souffre pas ?!!

Aussi si un service devient plus courant, ne serait-il pas logique qu’il se démocratise aussi au niveau de la tarification?

Un conflit intellectuel, un biais cognitif et un brin de mauvaise foi sur la tarification

Un brin de mauvaise foi


Lorsqu’un médecin déclare que les ostéopathes se goinfrent car il se font payer 53€ pour une séance et compare ce fait avec leur petit 22-23€, on leur rappelle gentiment qu’ils peuvent voir assez facilement 3-4-6 patients par heure et qu’un renouvellement de prescription peut-être encore plus expéditif (<5min ?). Nous passerons aussi sur le fait que leur prestation pèse sur l’effort collectif, et qu’ils sont en droit d’augmenter leur tarif si ils avaient la volonté de se déconventionner …

Un tarif de consultation est différent d’un tarif horaire !

Certains ostéopathes offrant des séances d’une heure pour 60€ s’indignent que certains autres ostéopathes cassent les prix en offrant des séances à 35 ou 40€. Que faut-il penser si ces séances bradées ne durent que 30min ? Le tarif horaire est en fait plus élevé ! C’est alors ceux qui sont le plus cher qui casseraient les prix et qui se permettraient de critiquer !

On ne peut pas utiliser un argument que l’on brandit envers les médecins et ne pas l’appliquer à sa propre profession.

Il serait cependant malhonnête de ne pas reconnaître que certains vont effectivement offrir des séances à 35€ pour une heure. A quand le « happy ending » !?!

Un conflit intellectuel,

Le jeune ostéopathe qui s’installe n’a qu’une chose à offrir, c’est son temps. Lorsqu’il voit son premier patient, il le coucougne et va souvent offrir une séance d’une heure. Comme il est sous pression financière, il est alors raisonnable de demander 53€ pour ce long service.

Comme il a fait un travail approfondi sur le patient il va même parfois traiter plusieurs problèmes en une séance : La petite raideur de nuque et d’épaule et le soucis de S/I et de genou. Le patient va revenir une seconde fois et ensuite il ne reviendra pas avant un moment. Il va mieux et le peu d’amélioration en perspective ne vaudrait pas 53€.

Quelques biais cognitifs

Quelques biais cognitifs qui pousse le jeune ostéopathe à faire une séance plus longue pour plus cher :

1. Tout d’abord il y a cette pression collective et cette méthode tarifaire enseignée : au moindre écart de tarification à la séance, le collectif ostéopathique sort le bûcher.
2. Comme le jeune ostéopathe se doit de se montrer efficace, il prend plus le temps pour ses traitements et se met une pression pour régler le problème de son patient en un minimum de traitement.
3. Il peut aussi faire une projection sur ces patients de sa propre difficulté financière en évitant de les faire revenir.
4. Comme nous l’avons dit plus haut, inconsciemment on pourrait croire que faire des séances plus longues plus chères serait mieux pour le développement du cabinet et pour son propre salaire, alors que l’inverse serait peut-être plus judicieux.
5. Cela permet néanmoins de plus approfondir sa palpation et son ostéopathie car il passe plus de temps avec ses patients et peu du coup comprendre plus facilement lien et faire des expérimentations/tests ?