Chapitre 12

Le ressenti du thérapeute peut il être affecté par un effet idéomoteur du thérapeute ?

 Nous avons vu précédemment qu’a priori il était possible que le thérapeute induise un mouvement rythmique par effet idéomoteur. Dans le chapitre précédent nous avons vu que des processus cérébraux activés chez le patient pouvaient influencer sa posture et donc son tonus musculaire.

Dans ce chapitre-ci nous allons évoquer différentes expériences qui peuvent être menées afin d’évaluer cette influence de l’effet idéomoteur chez le patient et à quel point ce mouvement idéomoteur pourrait être perçu par le thérapeute.

(Petite Parenthèse)

Comment l’auteur peut se permettre d’être si catégorique sur le résultat positif de ces expérimentations, avant même de les avoir expérimentées ?

Bonne et pertinente question, je suis effectivement assez serain du résultat positifs de ces résultats, car les expériences que je vous propose sont en fait des extensions notamment de tours de mentalisme appliquées à une approche crânienne. Et si James Randall et plein d’autres mentalistes ont su répéter ces tours des centaines fois avec succès, je suis alors confiant de leurs résultats appliqués à une autre partie du corps et avec un protocole légèrement plus subtile avec des thérapeutes qui ont tout de même une capacité palpatoire. De plus ces expériences vont dans les sens de recherches en psychologie cognitives sur l’embodiment.

(Petite Parenthèse)

Si vous mettez en pratique ces tests, il ne faut pas voir le résultat unique d’une expérience mais d’un grand groupe et en double blind pour se faire l’idée d’une valeur statistique de la véracité de ces propos.

Pour s’assurer d’une réussite de ces expériences, plusieurs facteurs sont néanmoins importants :

  1. Comme l’effet idéomoteur est intimement lié avec ce que pense le cobaye et l’intensité de sa pensée, un cobaye peu motivé (mou) ne donnera qu’une faible réponse motrice inconsciente.
  2. De même qu’un cobaye capable d’une forte dissociation entre son mental et son corps (ou à tendance sociopathe) pourrait aussi donner une pauvre réponse motrice.
  3. Des états émotionnels intenses ou des évènements psychologiques marquant récents pourront polluer par effets idéomoteurs les résultats des expériences. Ces cobayes devront donc être éliminés
  4. Les cobayes qui ont eu des traumas physiques notamment au cou ou aux épaules pourront développer des hypertonicités musculaires qui  pollueront le ressenti du praticien, on pourra aussi y associer les gens souffrant de bruxisme ou ayant des activité physiques intenses et répétitives.
  5. La qualité musculaire est importante pour différencier un état de contraction d’un état de relaxation ce qui implique qu’il est préférable que les sujets aient moins de 40 ans.
  6. Si la température de la salle est trop faible le patient risque de se contracter, de même si il y a une « atteinte à sa pudeur », ou perte de confiance vis à vis du « thérapeute » ou si l’expérience le stress.

Il faut aussi mentionner le fait que ressentir le tonus musculaire inhérent du patient requiert une certaine expérience proprioceptive. Des praticiens un minimum expérimentés dans les techniques dites crâniennes ou fasciales est aussi pré-requis pour que les expérimentations fonctionnent.

Le but des expérimentations suivantes est de voir si un effet idéomoteur du patient peut être ressenti par l’ostéopathe et si ces ressentis proprioceptifs pourraient être interprétés comme une ‘lésion de type crânienne’ par le thérapeute.

L’extension du tour de mentalisme

Pour simplifier l’expérience on va demander au patient de soit, penser à faire une flexion de la tête, ou soit pensere de manière concentrée à faire une extension de la tête mais sans faire le mouvement évidemment. Le choix sera déterminé au hasard par un lancement de pièce : ‘Pile’ = ‘Flexion’ et ‘Face’ = ‘Extension’. Bien sûr le praticien ne doit pas savoir quel tirage a été fait.

Une fois le tirage effectué le ‘patient’ s’allonge sur la table et pense soit à fléchir la tête, soit à faire une extension. Après quelques instants le praticien place ses mains en position de prise de SBS et a une trentaine de secondes pour déterminer si la tête part plus facilement en F° ou en E° pendant que le ‘patient’ continue de penser à sa F° ou E°[1].

C’est le même principe que le tour de mentalisme. En pensant à fléchir sa tête le ‘patient’ augmente le tonus musculaire des fléchisseurs de la tête et inhibe les extenseurs. Lorsque le thérapeute va tester le crâne en F°, le mouvement sera aider par l’augmentation de tonus musculaire et à l’inverse lorsqu’il testera l’extension, l’augmentation du tonus musculaire des fléchisseurs freinera l’induction en extension du thérapeute.

Le thérapeute avait il la sensation d’un blocage de la SBS en F°/E° ? Cette sensation était-elle similaire à un pattern crânien ?

Par la suite les élèves peuvent explorer l’incidence de l’effet idéomoteur d’une rotation ou flexion latérale de la tête.

L’influence des yeux

Nous l’avons vu, le patient peut émettre un effet idéomoteur qui peut perturber le ressenti palpatoire du thérapeute. Mais quel patient pense consciemment à fléchir ou à faire une extension de la tête pendant le traitement ??? Y a-t-il d’autres effets idéomoteurs plus subtils qui pourraient influencer la ‘dynamique crânienne’ ?

Oui, les yeux et notamment garder les yeux ouverts. Si le patient garde les yeux ouverts et fixe votre plafond ou regarde vers le bas ou vers le haut, un effet idéomoteur se crée pour contracter les muscles qui vont favoriser la direction du regard.

Nous pouvons faire la même expérimentation que précédemment avec ‘regarder vers le bas sans bouger la tête ou regarder vers le haut’. Le thérapeute devra deviner si le patient regarde vers le haut ou vers le bas les yeux bandés évidemment ou avec un rideau vertical qui sépare son champ de vision avec la tête du patient.

***

Un autre test peut être réalisé mais cette fois le ‘patient’ choisit de manière aléatoire de garder les yeux ouverts et de fixer un point au plafond  ou de fermer les yeux. Au préalable le thérapeute aura testé le ‘rythme crânien’ du patient (yeux fermés) pendant 30 secondes par exemple. L’idée est qu’en fixant un point fixe devant soi le patient va augmenter le tonus musculaire (notamment des muscles sous occipitaux) ‘rigidifiant’ ainsi la mobilité des hautes cervicales. Le thérapeute devrait alors percevoir un mouvement plus faible, et plus résistant que si le patient à les yeux fermés.

Ces 2 dernières expériences peuvent paraître anodines mais les conséquences sont importantes. Car si le patient garde les yeux ouverts lorsque vous faites du ‘crânien’ alors cela va fortement influer sur le relâchement tissulaire au niveau des hautes cervicales.

De plus ces expériences sous-entendent qu’il peut être intéressant d’utiliser la mobilité oculaire du patient pour changer un tonus musculaire qui entrave l’efficacité d’une technique, en crânien ou en manipulations directes des hautes cervicales par exemple.

L’effet idéomoteur de l’imaginaire

Une autre expérience intéressante serait de tester l’imaginaire sur l’effet idéomoteur :

Toujours en groupe de 2 avec un ‘patient’ et un thérapeute. Le thérapeute fait une écoute (30s à 5min) de la SBS avec le patient détendu pour prendre un repère de « normalité ».

Le patient ensuite tire à pile ou face 2 pensées imaginaires différentes : être un bloc de marbre/béton ou être du slime/fromage fondant. Il doit par la suite s’imaginer pendant 1 minutes être ce bloc de béton et donc imaginer d’être rigide ou être ce slime et imaginer être complètement mou.

Le thérapeute place à nouveau ses mains sur la SBS et détermine si le patient est rigide si le rythme est ferme, amoindri/saillant ou à l’inverse si il pense à être mou et ressent le même type de qualité tissulaire que précédemment (normale) ou un rythme souple, élastique…

Avec cette expérience on commence à rentrer dans le vif du sujet : l’influence de l’imaginaire sur notre physique par l’effet idéomoteur.

Utiliser de telles analogies pourrait être utile pour détendre un tonus musculaire récalcitrant chez un patient lors de techniques crâniennes ou même structurelles.

L’effet idéomoteur des émotions

Nous avons vu précédemment que l’imaginaire pourrait influer par effet idéomoteur sur notre tonus musculaire. Les émotions évoluent dans notre imaginaire. Elles sont une expression de notre interprétation de la réalité.

Beaucoup de nos patients viennent nous voir pour des douleurs musculo-squelettiques et souvent un événement psychologique latent ou important est présent ou précède le motif de consultation.

Est-ce une simple corrélation ou pourrait-il y avoir un lien important entre l’émotionnel et les tensions musculo-squelettiques ?

Si c’est le cas, peut-on alors ignorer l’influence émotionnelle lors de techniques fasciales ou crâniennes ?

 

Avec l’expérience suivante nous allons tenter de mettre en évidence l’influence de l’effet idéomoteur d’une émotion sur le ressenti en crânien. C’est peut-être l’une des plus difficiles expérimentations.

Comme précédemment on aura un ‘patient’ et un thérapeute. Le ‘patient’ se détend sur la table et le thérapeute en contact de la SSB ou des temporaux prend son temps pour ressentir le ‘rythme crânien du patient’.

Il prend note mentalement de la qualité, du rythme et de l’amplitude du ‘mouvement crânien’.

Ensuite le ‘patient’ va tirer à pile ou face 2 émotions diamétralement opposées :

  • L’une sera un état de sérénité, de plénitude et l’autre sera une émotion de colère. On pourra suggérer au patient de s’imaginer sur un transat au bord d’une plage paradisiaque ou de se rappeler un moment de leur vie où il était en toute sérénité, le plus détendu possible
  • et dans l’autre cas s’imaginer dans un conflit verbal ou physique violent ou de se rappeler un moment où il se trouvait dans une situation similaire solicitant ainsi la colère ou la peur comme émotion.

Le thérapeute reprend sa prise crânienne et note si il s’aperçoit d’une différence et essaie de retrouver l’émotion que le sujet avait choisie au hasard.

L’effet idéomoteur de la colère devrait augmenter le tonus musculaire des muscles de la mâchoire (temporalis/masseter)[2] , les muscles corrugateurs des sourcils vont aussi être solliciter. L’augmentation de ce tonus musculaire rigidifie la malléabilité passive du cou du patient. Le thérapeute le ressent au niveau de la réponse à son induction, les tissus ne se laissant pas aller à une relaxation.

A l’inverse dans la situation où le patient pensait à un moment agréable le thérapeute devrait ressentir une malléabilité tissulaire du ‘crâne’ et du cou du patient.

On peut argumenter à l’encontre de ces expériences en disant que le patient chercherait à les faire réussir biaisant ainsi fortement les résultats en « forçant » l’effet idéomoteur sur du court terme. Ce à quoi nous pouvons répondre : quel est l’effet d’une rancœur ou d’un énervement constant et présent depuis une dizaine ou une vingtaine d’années. Serait-il plus ou moins probant au niveau tissulaire ?

Si ces expériences se révélaient fonctionner dans leur globalité cela montrerait l’importance de l’état émotionnel du patient sur sa physiologie musculo-squelettique et son influence sur le ressenti palpatoire du thérapeute en approche fasciale ou crânienne. Il est étonnant aussi de voir que le thérapeute aura pu reconnaître des schémas lésionnels couramment décrits dans la littérature du champ crânien.

Sans vouloir nous emballer, est-il alors possible que l’ostéopathe puisse lire la tonicité musculaire du patient et y relier des émotions particulières et de pouvoir les dater ?[3]

Ce fut d’ailleurs le sujet du challenge que j’avais engagé avec James Randi, mais dont je suis resté sans nouvelles.[4]

 

Après avoir réaliser ces expériences précédentes il serait nécessaire de voir si la théorie de l’effet idéomoteur corroborerait les résultats de recherches passées dans le champ crânien.


[1] Nous parlerons de F° ou E° anatomique et non pas crânienne pour ne pas ajouter de confusion

[2]voir revue Depaulis et Bandler, 1991

[3]Les Ostéopathes possèdent-ils le don de psychométrie ? https://www.diagnosteo.com/les-osteopathes-possedent-ils-le-don-de-psychometrie

[4]Quand ostéopathie-64 défie James Randi https://www.diagnosteo.com/quand-osteopathie-64-defie-james-randi