L’effet idéomoteur :

Du thérapeute au patient

 

L’un des principaux artifices de l’effet idéomoteur est de donner l’illusion d’un mouvement propre à une structure qui n’en a pas (pendule, baguette de sourcier, table, ouija board).

En ostéopathie nous considérons de manière empirique (parce que nous le ressentons) que diverses structures possèdent une mobilité rythmique inhérente alors que la mise en évidence de tels mouvements est loin de faire l’unanimité scientifiquement.

Au vu de l’existence de l’effet idéomoteur, que faut-il penser d’un mouvement rythmique et inhérent des os du crâne ? De la motilité viscérale ? De la motilité fasciale ? Ces mouvements sont-ils vraiment intrinsèques à ces structures ou se nourrisseraient-ils de l’imaginaire du thérapeute ?

Chapitre 6 :

La « mécanique crânienne » expliquée autrement

Tout d’abord bien que cette hypothèse n’exclue pas le fait que les os du crâne soient dotés d’une mobilité rythmique et inhérente, afin de simplifier le modèle nous allons considérer que ça n’est pas le cas. De même nous ignorerons l’existence et la possible influence de la plasticité de la boîte crânienne.

En fait tous les ostéopathes crâniens ne sont pas être en parfait accord avec la description de la modélisation de la mécanique crânienne.

Ce n’est qu’une modélisation, et comme l’anatomie des os du crâne leur confèrerait une interaction mécanique complexe (sans parler de leur plasticité) en définitive chaque ostéopathe décrit de manière légèrement différente le mouvement qu’il ressent en fonction du patient manipulé. Cependant lors de l’enseignement on apprend les mouvements principaux et des « patterns lésionnels » dit « typiques ».

Ainsi on pourrait dire que :

la mécanique crânienne = modèle de Sutherland/Magoun + ∆ mobilité

Ce ∆ est une variation de mobilité décrite par les ostéopathes par rapport au modèle de la mécanique crânienne qui reste « acceptable ».

Ainsi concernant les prises en main les plus communes il y aurait une description assez homogène, à quelques détails près (∆), de leur mouvement pendant les phases de flexion et d’extension.

Il serait intéressant de confronter le mouvement décrit par la théorie officielle de la biomécanique crânienne avec les mouvements qui pourraient être émis et ressentis par un effet idéomoteur simple du poignet ou de l’avant-bras du thérapeute.

Si pour chaque prise en main crânienne on peut établir que des mouvements idéomoteurs simples peuvent feindre une mobilité crânienne similaire à celle de Sutherland à un ∆ près acceptable on pourra alors s’étonner de cette forte corrélation.

Pour montrer qu’un ostéopathe peut émettre un mouvement qui sera similaire à un mouvement crânien on pourrait y voir 2 étapes:

Première étape : créer un mouvement idéomoteur rythmique

La première étape est très simple. Il faut que l’ostéopathe reproduise un certain mouvement idéomoteur rythmique.

À partir du moment où ce jeune ostéopathe se forme à l’ostéopathie crânienne, il apprend l’existence de mouvements rythmiques qu’il est sensé pouvoir ressentir.

Le CRI qui est l’expression du MRP possède un rythme de l’ordre de 5 à 14 cycles par minutes.

Lorsqu’il tiendra un crâne entre ses mains il pensera à ce mouvement rythmique et y penser veut dire émettre un effet idéomoteur rythmique comme nous l’avons vu précédemment.

Le mouvement idéomoteur qui sera produit sera ainsi relativement similaire avec la modélisation de Sutherland.

Seconde Etape : Le rythme serait la résultante de l’interaction entre le thérapeute et le patient.

Il y aurait au moins 6-7 facteurs qui interviendraient dans la qualité et dans le rythme crânien :

Chez le thérapeute on retrouve :

  • La force de son mouvement
  • La durée de son mouvement
  • L’accélération du mouvement
  • La capacité au rétrofeedback

Ces facteurs vont donner la puissance du mouvement émis. Ce mouvement étirera les tissus du patient jusqu’à un certain seuil maximal qui sera la fin d’un mouvement de Flexion (F°) ou d’Extension (E°).

On pourrait d’ailleurs se demander si ce seuil n’est pas la prise de conscience du mouvement. En effet forcer plus en F° ou E° pousserait alors le thérapeute à quitter le mouvement idéomoteur inconscient vers un mouvement actif conscient. La solution est alors de relâcher la contrainte en repartant vers le mouvement opposé ce qui donne l’impression que ce sont bien les tissus du patient qui entrainent la main du thérapeute.

La variabilité de cette puissance est une autre qualité du thérapeute qui lui permettra d’adapter la force de son mouvement à la réaction tissulaire du patient.

Chez le patient on retrouve :

  • la réactivité tissulaire
  • l’élasticité/fibrosité tissulaire
  • force musculaire

La réactivité tissulaire c’est le fait que les muscles du patient vont le protéger en se contractant si le mouvement émis par le thérapeute accélère trop rapidement ou si il étire trop ses tissus.

La force musculaire va être déterminée par la quantité de fibres musculaires contractées et leur force de contraction.

L’élasticité tissulaire c’est la rigidité passive des muscles dont une partie est le tonus musculaire donc leur force mais aussi leur qualité tissulaire leur contractibilité ou fibrosité.

L’élasticité tissulaire concernera aussi les autres structures qui interviendront passivement à l’encontre de l’étirement (ligaments, fasciae, capsules, dure-mère).

L’interaction entre ces différents facteurs va donner les qualités du mouvement crânien.

Par exemple des mouvements brusques du thérapeute peuvent produire de fortes accélérations. Et chez un patient stressé qui appréhende, cela aura  tendance à produire des contractions réflexes l’empêchant de se relâcher.

Quelques expériences qui tendent à mettre en évidence l’effet idéomoteur chez le thérapeute

L’expérience du ballon de baudruche

Cette expérience toute simple que Pierre Tricot rapporte faire lors de ses cours est celle du ballon de baudruche.[1]

Il réalise cette expérience en classe avec ses élèves : leur demander de tenir un ballon de baudruche entre leurs mains et d’imaginer qu’il existe un mouvement rythmique.

En quelques minutes les élèves rapportent sentir le ballon se gonfler et se dégonfler, ou changer de forme.

Cet effet est suffisamment subtil pour qu’ils s’étonnent d’être responsable de ce mouvement. Il est dit que faire cet exercice permet à l’élève de se calibrer afin d’enlever leur mouvement parasite. En tout cas il est clair que nombre d’entre eux créent un mouvement rythmique de manière « inconsciente ».

Que se passerait-il si ce ballon était un crâne ?

L’expérience des réflexes facilités

Cette expérience permet de montrer 2 choses : La première est qu’il existe un effet idéomoteur objectivable et la deuxième est que l’intensité de cet effet va influencer la réponse motrice.

Armons-nous d’un marteau réflexes et testons les réflexes ostéo-tendineux rotuliens d’un cobaye. Ces réflexes devraient être remarquables, présents, égaux, normaux.

À présent demandez au cobaye d’imaginer de shooter le plus fort possible dans un ballon et testez à nouveau ce réflexe rotulien.

Vous devriez une réponse réflexe bien plus marquée car en pensant à faire ce mouvement l’effet idéomoteur augmente le tonus musculaire du quadriceps facilitant ainsi la réponse réflexe.

On peut faire cette expérience avec les différents groupes musculaires en imaginant un mouvement qui va dans la contraction du réflexe.

On peut aussi réaliser cette expérience en demandant d’imaginer un mouvement antagoniste au réflexe testé. On devrait observer une diminution des réflexes ostéotendineux.

L’expérience de la balance

L’expérience de la balance permet de vraiment se rendre de l’influence de la force de l’effet idéomoteur.

Demandez à un cobaye de poser sa main sur une balance les yeux fermés et de la laisser peser de tout son poids.

Notez ce poids et ensuite donnez la suggestion suivante au cobaye :

–« imagine juste le fait que tu lèves ta main sans faire de mouvement », ou « Imagine que des ballons d’hélium sont accrochés à ton poignet »

Au bout de quelques secondes reprenez la mesure.

Le résultat est frappant et les conclusions nombreuses car la variation de masse est bien supérieure à quelques grammes et ce sans que le cobaye se rende forcément compte du fait qu’il ait vraiment bougé.

L’expérience de la balance dynamique

Une autre recherche similaire qui pourrait être intéressante de réaliser serait d’avoir un capteur de pression relié à un ordinateur avec un échantillonnage de l’ordre de 100Hz.

Cette expérience pourrait-être faite en double aveugle. L’idée serait de dire au « thérapeute » dans le groupe que l’on veut tester que ce capteur recrée un mouvement vertical similaire à l’amplitude et au rythme crânien. On lui demande de placer sa main sur la « balance dynamique » et de demander si il arrive à ressentir ce rythme.

Cette suggestion va pousser le cobaye à imaginer ce mouvement sous la pression d’une autorité et devrait donc créer un effet idéomoteur. L’analyse des courbes devrait alors révéler des courbes oscillatoires de pression/dépression.

Que penser de l’influence mécanique de l’effet idéomoteur lors d’une approche crânienne ? Serait-elle suffisante pour faire bouger les mains sans qu’on s’en rende compte ? Penser que ses mains s’écartent aurait-il une influence supérieure à un mouvement d’écartement du 1/10ème de mm que les os du crâne seraient susceptibles de faire ?

Avec les 4 expériences précédentes nous devrions nous apercevoir qu’un mouvement rythmique peut être émis par un thérapeute sans qu’il ne s’en aperçoive. st fortement probable qu’il existe un mouvement idéomoteur émanant du thérapeute lors d’une prise en main crânienne et que cet effet soit loin d’être anodin et pourtant ignorer en ostéopathie crânienne.

La seconde étape : une solution biomécanique de l’interaction thérapeute/patient

Selon la théorie de l’effet idéomoteur, le mouvement rythmique inconscient émis par le thérapeute va être fonction du mouvement physiologique le plus facile et/ou agréable à réaliser par rapport à la position des mains sur la tête du patient. Si le mouvement induit inconsciemment rencontre une trop forte résistance chez le patient alors ce mouvement alerterait consciemment le thérapeute, ce qui perturbera cet effet idéomoteur.

Afin que le thérapeute ne se rende pas compte qu’il est l’émetteur d’un tel mouvement, il faut que ce mouvement provienne de groupes musculaires plutôt proximaux que distaux. Les muscles et articulations distales étant réservées pour les mouvements fins, on se rendrait plus compte de leur intervention active contrairement aux muscles plus larges et moins précis.

On recherchera donc plus une intervention des muscles de l’avant-bras et de l’influence des poignets, coudes et bras sur la mobilité émise et ressentie.

Ce mouvement idéomoteur mettra sous contrainte la boîte crânienne et le cou du patient. Ainsi pour 3 positions crâniennes classiques nous passerons en revue les différentes structures (articulations, muscles…) qui seraient en fait testées ou traitées.

Ces 3 prises en main classiques seront celle de la SSB (Symphyse Sphéno-Basilaire), celle des temporaux et celle des pariétaux.

 


[1] Approche tissulaire Tome 1 de Pierre Tricot